Enfin, pour les shî'ites duodécimains, ce siècle est celui de la fin de la période des imâms historiques car le douzième et dernier imâm, l'imâm caché, disparut définitivement en 329 (940-941 après J.-C.) ouvrant ainsi le temps de l'"Occultation majeure". Pour une doctrine entièrement dominée par la figure de l'imâm et les différents aspects de son autorité, cet état de fait s'avérait fort embarrassant d'autant que de nombreux textes interdisaient explicitement aux fidèles d'avoir des activités politiques positives.
Alors, les juristes-théologiens, tenants d'un courant "rationaliste", prendront de plus en plus de distance par rapport à la tradition originelle ésotérique et non rationnelle. Ils deviendront les seuls à pouvoir combler le vide créé par l'"Occultation". Ainsi commence à éclore, en milieu shî'ite, ce qui existait depuis un siècle dans le sunnisme : la science de la critique du hadîth, discipline qui a pour objectif l'élaboration des critères d'authenticité et d'inauthenticité des traditions.
Progressivement, les juristes théologiens rationalistes de l'école de Bagdad vont censurer les imâms, passant sous silence un certain nombre de traditions ésotériques, initiatiques et mystiques afin que les divergences avec l'orthodoxie soient atténuées et que le courant rationaliste puisse fréquenter les cercles du pouvoir sans rencontrer de trop grands obstacles. Bien souvent, ce genre de traditions seront taxées d'hérésie par les docteurs rationalistes et attribuées aux "hérétiques extrémistes" ou "exagérants".