VII - Il monte de la terre vers le ciel, et de nouveau il descend vers la terre, et il reçoit la force des choses supérieures et des choses inférieures. Tu connaîtras par ce moyen la gloire du monde. Pour cela toute obscurité s'enfuira de toi.
Il y a ici l'idée d'un principe immanent, c'est-à-dire inclus dans la matière elle-même. Séparé, ce principe dévoile son caractère transcendant qui ouvre le chemin vers une spiritualité. Il s'agit donc encore de "séparer le subtil de l'épais". Au final, l'ensemble des éléments subtils révélés devront être réintégrés à la matière : la force de l'homme éveillé ne pourra se révéler qu'à travers un retour au Corps, plein et entier. C'est la "conversion en terre". Ce passage de la Table d'Émeraude traduit donc un double mouvement d'ascension et de redescente qui n'est pas sans évoquer l'Échelle mystérieuse des Chevaliers Kadosh en Franc-maçonnerie.
Ainsi, "l'esprit du monde" ne néglige aucun apport. Toute la force du Thélème est une sorte d'égrégore des forces contraires et unies. De même, la force d'une loge maçonnique provient de la diversité de ses composantes humaines, dont les unes sont plus opératives et les autres plus spéculatives. Des tendances caractérielles différentes qui, ailleurs dans le monde profane, entreraient en conflit, sont, au sein de la loge, harmonisées au bénéfice d'un intérêt supérieur à la fois individuel et collectif.
La "gloire du monde" doit être entendue non comme le souci d'une quelconque célébrité, mais comme l'équivalent terrestre de la béatitude céleste. La gloire est alors l'éclat dont toute chose se trouve revêtue sous l'œil de l'initié qui la regarde. La nature, les êtres qui partagent notre vie quotidienne comme ceux que nous n'apercevons qu'un instant, prennent un sens nouveau sous le regard de l'initié qui sait et qui contemple. Qu'est-ce que le sentiment du sacré sinon la possibilité d'envisager chaque chose pour elle-même, et en elle-même, sans nous préoccuper de la ramener dans la sphère de l'utilitatisme ? Alors, les êtres et les choses cessent de nous être des moyens propres à satisfaire nos intérêts. Tout ce qui est nous apparaît comme existant pour soi, et nous-mêmes nous sentons que nous vivons pour nous, ou plus exactement en vue de la réalisation du Soi évoquée au début de ce propos. La splendeur de la liberté flotte sur toutes les apparences et auréole ou glorifie notre propre présence dans le monde.