II - Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut, et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas ; par ces choses se font les miracles d'une seule chose.
Unité de l'être et unité des harmonies. Autrement dit, le monde terrestre a pour correspondance son modèle céleste ; c'est la formule de l'analogie appliquée à l'espace ; chaque geste d'"en bas" procède d'un archétype qui est "en haut". Ainsi, les idées, pour Platon, se projettent dans la réalité matérielle. Cependant, pour l'auteur de la Table d'Émeraude, l'analogie est réversible et la proposition admet sa réciproque : "Et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas." La formule ainsi complétée combat le thème de la supériorité de l'Idée sur la Matière. L'homologie est complète entre le bas et le haut, si bien que ces positions spatiales ne sauraient désigner une hiérarchie de type moral ; ce qui est "en haut" ne peut se targuer d'aucune préséance sur ce qui est "en bas".
Appliquée à l'univers humain, la phrase définit les conditions d'une parfaite égalité en même temps que celles d'une différenciation nécessaire entre le haut et le bas des couches sociales. Ce précepte hermétique n'est-il pas celui qui régit la démocratie exemplaire et cependant ordonnée, hiérarchisée, des loges maçonniques ? Ce qui est dit du Haut et du Bas, du Zénith et du Nadir, peut aisément être étendu au Midi et au Septentrion, à l'Orient et à l'Occident. La vie d'un atelier maçonnique est en effet fondée sur l'échange et la circulation des rôles que, tour à tour, chacun est amené à y jouer.
Projetée sur notre entité psychique, la phrase hermétique nous invite à ne négliger aucun aspect de notre personnalité. Nos fonctions ont beau être hiérarchisées de la "terre" du corps au "ciel" de notre intellect, elles ont chacune la même importance ; si bien que l'unité psychique consistera dans une correspondance parfaite entre le corps, l'âme et l'esprit qui sont les trois étages du microcosme humain. Également, suivant le postulat qui nous est cher, le microcosme humain n'atteindra son unicité que s'il se met en harmonie avec le macrocosme, c'est-à-dire avec les grandes lois qui régissent l'Univers ou la Nature. Toujours dans le même sens, on peut dire encore que le Moi se modèle progressivement sur le Soi, et que la découverte de soi ou du Soi dépend aussi de notre Moi conscient.